La première guerre civile

C'est à Barcelone qu'elle va avoir lieu 

L'antagonisme entre les communistes et les anarchistes, entre les syndicats U.G.T. et C.N.T et maintenant entre le P.S.U.C., l'ESQUERRA et le P.O.U.M, trouve dans tous les événements, matière à augmenter les tensions. A Madrid le commissaire communiste CAZORLA a fait taire les journaux anarchistes de la capitale, mais à Barcelone Solidaridad Obrera, un journal anarchiste, publie le 25 avril (37) une violente attaque contre les communistes. La fièvre monte et dans la journée un membre important des Jeunesses Socialo-communistes ROLDAN CORTADA est assassiné sans que l'on sache exactement par qui, mais les torts portent sur les Anarchistes. Le P.S.U.C. fait alors une démonstration de force en manifestant dans le quartier où a eu lieu l'assassinat. Le soir, un anarchiste est tué à son tour et à PUIGCERDA, le maire anarchiste est assassiné lui aussi. Les observateurs étrangers s'attendent, à tout moment, à une lutte ouverte entre les Anarchistes et le P.O.U.M. contre le Gouvernement et le P.S.U.C. D'ailleurs, chaque groupe rassemble des armes dans des bâtiments qui deviennent de véritables forteresses.

C'est par la possession de la TELEFONICA que tout va rapidement dégénérer. La Compagnie de Téléphone est gérée par un comité où toutes les tendances sont représentées mais le Gouvernement et les Communistes soupçonnent la C.N.T. d'avoir des tables d'écoutes. Et :.... le 3 mai, à trois heures et demie de l'après-midi, RODRIGUEZ SALA se rendit à la Téléfonica, accompagné par le représentant de la Généralitat et pénétra dans le service de la censure, ( !?) au premier étage. Les ouvriers de la C.N.T., qui sortaient de leur déjeuner, crurent que le gouvernement cherchait à s'emparer du contrôle de la Téléfonica et, du deuxième étage, ouvrirent le feu par l'escalier. RODRIGUEZ SALA demanda de l'aide par téléphone. La garde civile arriva, et aussi un leader modéré de la F.A.I., DIONISIO EROLES. Ce dernier réussit à convaincre les ouvriers de ne plus tirer, et ils déposèrent donc les armes. Une foule s'était entre temps rassemblée sur la plaza de Cataluña. Elle supposa tout d'abord que les anarchistes s'étaient emparés de la Téléfonica. Puis chez les membres de la C.N.T. le mot "provocation" se répandit. En quelques heures, toutes les organisations avaient sorti leurs armes et entrepris de construire des barricades. Les commerçants fermaient en hâte leurs magasins. 

La visite de RODRIGUEZ SALA a déclenché le feu qui couvait depuis longtemps. En réalité la République était une vraie poudrière qui ne demandait qu'à sauter. TOGLIATTI, recevant des directives de STALINE, voulait éliminer LARGO CABALLERO et le POUM. La C.N.T et l'U.G.T. étaient des ennemis jurés, tout comme les Communistes et les Anarchistes. Le KOMINTERN par l'intermédiaire du général Soviétique ANTONOV OVSEENKO et du hongrois GERÖ menait toutes sortes d'intrigues..... 

Dans son livre "Les communistes contre la révolution espagnole" JULIAN GORKIN pseudonyme de JULIAN GOMEZ GARCIA, un des dix fondateurs du parti communiste espagnol en 1921, raconte : Tous les moyens étaient bons : terreur policière, enlèvements, assassinats, faux témoignages, procès truqués, journalistes marrons, soviétisation des milieux officiels espagnols, mystification de l'opinion publique, escroqueries, etc. - En un mot, les staliniens avaient transplanté en Espagne toutes les méthodes pratiquées en URSS. GORKIN ajoute : - L'Espagne constitua le premier essai de démocratie populaire dans le monde et le point culminant de ce processus fut la liquidation des anarchistes et des trotskistes à Barcelone en 1937. 

Pour étayer cette thèse de magouilles en tous genres du menu fretin, il suffit de lire un autre livre, écrit celui-là par Valentin GONZALEZ dit "EL CAMPESINO" On constate, chaque fois que l'on approfondit un peu, qu'une fois encore le peuple fut abusé. On se servît de lui comme on se sert des billets pour acheter de la marchandise. On avait incité les ouvriers à se débarrasser des bourgeois, même si pour cela ils devaient les tuer, " on " allait maintenant les inciter à se tuer entre ouvriers !
Quoiqu'il en soit, les communistes pensent bien tirer avantage de cette guerre qui s'est déclenchée dans l'autre guerre. Il est temps de mettre fin au P.O.U.M. Il est temps aussi de neutraliser les anarchistes. On a dit plus tard que ces actions avaient été déclenchées par des espions franquistes, mais d'après des historiens, ce serait leurs donner une influence démesurée, impossible à croire.

Le 3 mai, les anarchistes de la C.N.T. tiennent toute la partie droite des Ramblas et les faubourgs. La Généralitat et le P.S..U.C. tout le centre jusqu'à la partie gauche des Ramblas. Les voitures qui s'aventurent à circuler reçoivent des tirs des mitrailleuses installées sur les toits et ce, aussi bien d'un côté que de l'autre. Les personnes qui veulent absolument rentrer chez eux et qui courent dans les rues reçoivent des rafales et il y a de nombreux morts. Les gens se barricadent chez eux et les magasins gardent leurs volets roulants baissés. Les bâtiments du Gouvernement, de la garde civile, et des asaltos subissent de furieux assauts de la part de bandes d 'anarchistes. Les gardes civiles, les asaltos et des communistes répliquent aussitôt. La police fait feu contre des anciens camarades d'armes ! .

A LERIDA, DURRUTI commence à organiser une partie de ses troupes pour marcher sur Barcelone. La situation devient grave. Du coup, tout le monde prend peur. LARGO CABALLERO hésite à s'attaquer aux anarchistes. GARCIA OLIVER et FREDERICA MONTSENY deux leaders anarchistes font un appel au calme, s'adressant à leurs troupes par l'intermédiaire de la radio et du journal Solidaridad Obrera, mais les membres de la C.N.T poussés par des extrémistes, désobéissent à leurs chefs et le POUM se range à leur côté. Ils publient un tract où ils annoncent que tous les responsables de l'attaque à la Téléfonica seront fusillés. Ils demandent, en outre, que l'on désarme la garde civile et les asaltos. Le Gouvernement annonce qu'il va démissionner et qu'il propose un Conseil Provisoire où tous les partis seront représentés. Pour aggraver la panique, des destroyers anglais s'approchent du port, sans que l'on sache exactement quelles sont leurs intentions.  

Le 6 mai, il y a une petite trêve, mais les combats reprennent de plus belle. Un intellectuel italien, le professeur BERNERI est assassiné et le secrétaire général de l'U.G.T. ANTONIO SESE subit le même sort, alors qu'il allait prendre ses fonctions à la Généralitat.

Finalement, PRIETO réussit à convaincre LARGO CABALLERO d'intervenir. Quelques heures plus tard, on voit apparaître deux croiseurs et un cuirassé républicains, qui viennent de VALENCIA, puis arrivent 4 à 5 000 "asaltos" qui ont déjà maté les révoltes dans toutes les villes rencontrées sur leur passage. Le 7, la CNT lance un nouvel appel au calme qui est, cette fois-ci, un peu plus écouté grâce, probablement, à la présence des "asaltos".  

Les chiffres donnés officiellement pour les pertes de cette guerre se montent à 400 morts et plus de 1 000 blessés, mais suivant d'autres sources il faudrait multiplier ces chiffres par deux et demi. Pour les anarchistes, c'était le début de leur disparition.

 

Maintenant, les communistes vont pouvoir s'attaquer à LARGO CABALLERO.....