La seconde guerre civile dans la guerre civile

 A MADRID EN FIN DE GUERRE

 A Madrid, le colonel CASADO est fatigué. Après MIAJA, c'est principalement lui, qui supporte la défense de la capitale depuis le début des combats. Mais il est aussi écoeuré du comportement des hommes politiques et de celui des officiers du parti communiste. Quand celui-ci durcit son attitude, qu'il exige la poursuite de la guerre et que NEGRIN se range à leurs côtés, il sent la révolte monter en lui.

A NEGRIN qui a fait l'effort de venir jusqu'à Madrid le 23 février (39)il essaie, en brossant un tableau de la situation, de le convaincre d'en finir avec cette guerre : La population est affamée ; il n'y a plus de médicaments ni de pansements, plus aucun moyen de chauffage, ni même d'eau chaude ; les organismes internationaux n'arrivent plus à nourrir les enfants ; il n'y a plus d'essence; les soldats n'ont plus de chaussures ni de manteaux ; il ne leur reste que quarante avions ; presque plus d'artillerie, très peu d'armes automatiques et … les communistes refusent d'obéir aux ordres. Il sait que la perte de la Catalogne a privé la République de 70 % de leurs ressources en matières premières. Il n'a aucune confiance quant à l'arrivée des armes soviétiques jusqu'à Madrid. Il supplie NEGRIN de reprendre les négociations et lui propose même sa médiation.
Le Président du Conseil, promet. Il promet tout.... Il va même jusqu'à le faire Général !
NEGRIN fait venir tous les chefs militaires et il les écoute. Il y a là, les généraux MORIONES, MENENDEZ et ESCOBAR qui commandent les armées du sud ; le général MATALLANA qui est chargé des transports ; l'amiral BUIZA qui représente la marine; le colonel CAMACHO pour l'aviation. Il a surtout le général MIAJA.
C'est d'abord NEGRIN, qui prend la parole pour expliquer que les négociations qu'il a essayé d'avoir avec les Nationalistes ont toutes échouées. Ces tentatives durent depuis le mois de mai 1937. Sa conclusion est qu'il ne reste qu'une seule issue : la résistance jusqu'au bout.
MATALLANA dit que poursuivre la guerre est une folie, les troupes sont épuisées, fatiguées de cette guerre. Ces pauvres gens sont allés bien au delà de leurs forces. Les trois généraux du sud sont tout à fait de son avis. L'amiral brosse un tableau sur le moral de la Marine : les équipages sont arrivés à la conclusion que la République a déjà perdu la guerre ! .
Le colonel CAMACHO, le gouverneur militaire de CARTAGENA, général BERNAL abondent aussi dans ce sens. MIAJA se lève furieux contre tous. Pour le héros de Madrid, il faut résister jusqu'au bout.
NEGRIN le visage sombre, salue tout le monde et rentre à sa résidence sans prendre de décision.
Tout de suite après cette réunion, les généraux, y compris MIAJA d'ailleurs, commencent à faire préparer leurs passeports !. NEGRIN, lui, fait des projets :
Il remplacera CASADO, (par MODESTO) et tous les chefs militaires qu'il vient de voir, par des communistes qui seraient partisans de la poursuite de la guerre. Il nommera aussi JESUS HERNANDEZ inspecteur général des armées et il commence tout de suite par éloigner MATALLANA en lui offrant un poste honorifique pour pouvoir ainsi disposer des Transports.
A Madrid, CASADO apprend que NEGRIN, après avoir donné l'ordre de le relever de son poste, l'a annulé. NEGRIN, au téléphone, nie fermement avoir donné cet ordre(!!). Et le lendemain, NEGRIN fait de CASADO le chef d'Etat-major général du Centre et de MATALLANA le chef d'Etat-major. (!!!???) Comme quoi il ne faut jamais désespérer!!
Mais CASADO a pris sa décision, en compagnie de MATALLANA, il se rend à Valence où ils rencontrent plusieurs militaires " sûrs " A Madrid il va prendre la direction des opérations: Il va négocier.
Cependant CASADO en parle à un autre camarade, HIDALGO de CISNEROS, qu'il savait pourtant communiste. L'amiral BUIZA commet la même imprudence, mais le parti communiste, informé, ne bouge pas.
Et là, deux versions se contredisent. La première est que le parti étant dominé par TOGLIATTI et la PASIONARIA complètement soumis à Staline, laissèrent faire pour le débarrasser au plus vite de cette guerre. La deuxième est que les communistes ne bougèrent pas parce qu'ils étaient arrivés à la conclusion que si, CASADO menait son complot jusqu'au bout, eux seuls seraient les vrais représentants du pouvoir.
NEGRIN convoque deux fois CASADO d'urgence, mais celui-ci craignant un piège, ne s'y rend pas. MIAJA, qui a toujours été fidèle à la République, refuse lui aussi et pour les mêmes raisons. A CARTAGENA, il va y avoir une révolte à la suite de la destitution du général BERNAL par NEGRIN. Les officiers veulent faire entendre leur indignation. Curieusement la grogne gagne aussi la marine. Cette marine qui avait jeté par dessus bord les officiers qui avaient voulu suivre le " movimiento " en juillet 36, n'en peut plus de cette guerre elle se range à côté de Casado. JESUS HERNANDEZ qui est inspecteur général des armées envoie des renforts à GALAN.Néanmoins la flotte a eu le temps de prendre le large et elle y restera.
A Madrid, le pronunciamiento prend de l'ampleur et s'organise. Le général MIAJA, fatigué, a fini par céder. Lui, le héros de Madrid, qui a défendu Madrid alors que pratiquement tous les politiciens avaient pris la fuite ; lui qui a défendu la République plus par honnêteté et loyauté que par conviction politique ; lui qui, quelques jours encore auparavant, prônait la poursuite de la guerre jusqu'à l'extrême limite, a fini par craquer et céder ! . Il est vrai que l'attitude de tous ces politiciens avait bien de quoi écœurer les caractères les mieux trempés . On lui demande d'accepter la future présidence du Conseil National, CASADO, avait pris le Ministère de la Défense ; BESTEIRO les Affaires Etrangères. Il y avait aussi un autre socialiste, deux membres de la C.N.T. un de l'U.G.T.
Cette junte fait une proclamation à la radio.
"Travailleurs espagnols, peuple de l'Espagne antifasciste ! Voici venu le moment où nous devons proclamer aux quatre vents la vérité sur notre situation présente. Comme révolutionnaires, comme prolétaires, comme espagnols, comme antifascistes, nous ne pouvons tolérer plus longtemps l'imprudence et l'imprévoyance du gouvernement du docteur NEGRIN. Nous ne pouvons plus admettre que, tandis que le peuple se bat, quelques personnes privilégiées continuent à résider à l'étranger. Nous nous adressons à tous les travailleurs, à tous les antifascistes, à tous les Espagnols ! Constitutionnellement, le gouvernement du docteur NEGRIN est sans fondement légal. Pratiquement, il lui manque la confiance et le bon sens. Nous sommes là pour montrer la voie qui peut éviter un désastre; nous qui sommes contre la politique de résistance, nous vous donnons l'assurance que pas un seul de ceux dont le devoir est de rester en Espagne ne partira, tant que ceux qui souhaiteraient partir seront encore là"
Aussitôt la radio éteinte, Jésus HERNANDEZ se précipite à YESTE retrouver NEGRIN. La PASIONARIA et TOGLIATTI s'y trouvent déjà, mais personne ne sait quelle direction prendre. Tous étaient plus ou moins au courant de ce qui se tramait , mais ils sont surpris par l'ampleur du succès de CASADO.
Les Soviétiques quant à eux, n'ont aucune hésitation, quand HERNANDEZ se rend au palais du général BOROV, ils ont déjà fini de faire leurs bagages !
La situation est critique. Une guerre civile dans la guerre civile ne pouvait que favoriser les Nationalistes et après de savants calculs principalement de la PASIONARIA et son camarade TOGLIATTI , les communistes décident de résister.
C'est ainsi qu'une résistance communiste s'organise à ALCALA de HENARES et TORREJON de ARDOZ, mais que ce soit dans l'armée de Levant, celle d'Andalousie ou Estremadure surgissent des chefs militaires qui prêtent leur appui à la rébellion. Ces gens sont fatigués par tant et tant d'horreurs.
NEGRIN, ALVAREZ DEL VAYO, MOIX, URIBE, HIDALGO de CISNEROS, LISTER, LA PASIONARIA, MODESTO ont adjuré la junte de revenir sur leur décision et ils attendent une réponse. Une seule nouvelle leur arrive dans l'après-midi : ALICANTE s'est ralliée à CASADO. Leurs derniers espoirs s'étant envolés, ils vont faire comme leurs espoirs : ils s'envolent ! Et ils s'envolent d'abord à Valence, puis vers la France. C'était le 6 mars 1939. Le peuple de gauche, lui qui a tant souffert reste à Madrid........
Et pourtant il reste encore des résistants à Madrid. Le général BARCELO, par exemple, qui s'était rangé du côté de CASADO, est revenu sur sa décision, mais beaucoup de ses hommes refusent de le suivre,. Il y a aussi les colonels ORTEGA et BUENO qui envoient leurs troupes contre CASADO. Celui-ci doit se réfugier dans les quartiers est et sud-est. Après de durs combats les communistes occupent la plus grande partie de la ville. Madrid continue à résister.
C'est alors que la 12ème division commandée par CIPRIANO MERA, se met en mouvement dans le but de dégager CASADO.
ALCALA de HENARES, puis TORREJON DE ARDOZ tombent rapidement, puis c'est le tour du quartier général de l'Armée du Centre. Le 10 mars (39), les colonnes de CASADO percent les lignes communistes, elles arrivent jusqu'à la Puerta del Sol, une autre prend la Plaza de la Independencia, puis les Ministères de la Castellana.
Jésus HERNANDEZ et les autres dirigeants communistes préparent déjà leur départ........ leurs derniers efforts vont être de laisser derrière eux une organisation clandestine(!?). Ils envoient le colonel ORTEGA pour négocier avec la junte et il est décidé un cessez-le-feu.
Il y a encore eu 2 000 morts.
Pendant que l'on fait se battre les Républicains entre eux, les Nationalistes se préparent tranquillement à donner les ultimes assauts...

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