Discours de Calvo Sotelo aux Cortes

 ..............CALVO SOTELO se lève, le visage grave. Il commence à parler et ne cesse d'être interrompu par les cris de ses adversaires. Il est en pleine possession de ses moyens. Il sait que son discours restera dans l'histoire et il pèse ses mots. Il s'engage sur une voie de non retour:

-"Le résultat de la Constitution "démocratique" de 1931 est le chaos qu'a décrit mon collègue GIL ROBLES. Un Etat ne peut être édifié sur cette Constitution. Contre cet Etat stérile, je propose l' Etat intégral qui apportera la justice économique et dira avec l'autorité qui convient : plus de grèves, plus de lock-outes, plus d'usure, plus d'abus capitalistes, plus de salaires de famine, plus d'indemnités politiques dues à un heureux hasard (tous les ministres avaient droit à une substantielle retraite même si leurs mandats n'avaient duré que très peu de temps) plus de liberté anarchique, plus de conspirations criminelles contre une pleine production. La production nationale aura lieu au profit de toutes les classes, de tous les partis, de tous les intérêts. Cet Etat, beaucoup l'appelleront l'Etat fasciste, eh bien, moi qui crois en lui, je déclare avec fierté que je suis fasciste !"

L'orage éclate dans la salle. D'un côté les insultes, de l'autre les applaudissements. Là aussi, DOLORES "la PASIONARIA" aurait hurlé -"C'est ton dernier discours"- A chaque moment d'accalmie CALVO SOTELO continue.

-" Lorsque la vie n'est plus en sécurité ; lorsque de tous côtés on brandit la menace ; lorsque la foule crie : Patrie, non ! Patrie non ! ; Quant au cri de vive l'Espagne on crie vive la Russie ! ; quand on tourne en dérision tout ce qui a été l'honneur de l'Espagne, on se demande s'il est possible de garder son calme Quand j'entends parler du danger des généraux monarchistes,  je sourie un peu, car je ne crois pas qu'il y ait, dans l'armée espagnole, un seul soldat qui soit prêt à se dresser, au nom de la monarchie, contre la République. S'il y en avait un, il serait fou - je le dis avec sincérité - oui réellement fou, comme serait fou tout soldat qui, devant l'éternité, ne serait pas prêt à se dresser au nom de l'Espagne contre l'anarchie si c'était cela qui était nécessaire"-

Puis c'est au tour de la PASIONARIA de prendre la parole. Elle traite la droite de fascistes, de bandits. Elle s'interroge et interroge l'assistance sur l'existence d'une Internationale Fasciste dirigée depuis Berlin et Rome et qui aurait déjà fixé le jour du règlement en Espagne.

Un député, VENTOSA, parle d'évasion de capitaux. JOAQUIN MAURIN représentant le P.O.U.M. (Parti ouvrier d'unification marxiste) déclare que la situation pré-fasciste existe déjà. L'atmosphère est surchauffée, on échange des insultes de part et d'autre.

CALVO SOTELO continue quand il peut: - "Du 16 février au 2 avril voici ce qui s'est passé : 58 attaques et destructions de centres politiques ; 72 d'établissements publics ou privés ; 33 de domiciles particuliers ; 36 destructions d'églises. Continuellement interrompu, il continue néanmoins. Incendies de centres politiques : 12 ; d'établissements publics ou privés : 45 ; de domiciles particuliers : 15 ; d'églises : 106 dont 56 complètement détruites ; grèves générales : 11 ; agressions: 65 ; attaques 24 ; blessés: 345 ; morts: 74.

C'est trop peu puisque vous êtes encore là ! hurle quelqu'un dans la salle.
Margarita Nelken crie: -"Et ce n'est que le début!"-

La Pasionaria reprend la parole. Elle justifie ces crimes en disant qu'ils ne sont qu'une vengeance à la répression exercée contre la révolte des Asturies du mois d'octobre 1934 *. Puis change de discours et de tactique et accuse Calvo Sotelo de payer des mercenaires pour faire les provocations qu'il vient d'énumérer et les mettre sur le dos de la gauche.

ALVAREZ del VAYO quand à lui les justifie en accusant le Gouvernement de ne pas mettre en place les réformes prévues suffisamment vite. *

Calvo poursuit : -" J'ai le dos large et je ne m'esquive pas. En vérité, j'accepte avec plaisir la responsabilité de ce que je fais. Je rappellerai la réponse faite par saint Dominique de Silos à un roi d'Espagne : Sire, vous pouvez me prendre ma vie mais pas plus. Ne vaut-il pas mieux, à la vérité, périr glorieusement que vivre méprisé ? A mon tour j'invite le Premier Ministre à peser ses responsabilités, sinon devant Dieu puisqu'il est athée, au moins devant sa conscience, car il est homme d'honneur"-

IL parle ensuite de KERENSKY et de KAROLYI qui avaient, respectivement, fait le lit des révolutions communistes russe et hongroise et toujours en s'adressant a CASARES QUIROGA :

-" Mon honorable ami ne sera pas un KERENSKY, parce qu'il n'est pas inconscient de ce qu'il est en train de faire. Il sait parfaitement ce qu'il cache et ce qu'il pense. Fasse Dieu qu'on ne le compare jamais à KAROLYI, qui trahit consciemment une civilisation millénaire"-

Visiblement piqué au vif CASARES QUIROGA, au milieu de cris et d'applaudissements, lance - "Monsieur CALVO SOTELO prenez garde à vous".
Un officier de carabiniers, JOSE MUÑOZ VIZCAINO déclarera plus tard avoir entendu dire au commandant LUIS BARCELO, aide de camp du Premier Ministre, que son patron ferait "descendre" CALVO SOTELO. Ce qui a étéconfirmé c'est que CASARES aurait dit que l'assassinat de CALVO SOTELO ne constituerait pas un délit.

Ces séances houleuses des Cortes vont dresser encore plus, s'il en était possible, les deux Espagnes l'une contre l'autre.Et
ceci n'est qu'un petit aperçu de ce qui s'y passait. Les parlementaires étaient fouillés avant d' entrer de peur qu 'ils n' rentrent des armes. Un auteur a écrit un livre de 500 pages pour y décrire l' atmosphère. On en sort horrifié.
  Calvo Sotelo

*Dans son livre "les Mythes de la guerre civile "Pio Moa (auteur, il est vrai très controversé) assure que "la Pasionaria" se chargea de mener une enquête publique sur la repression des Asturies, mais elle n'en publia jamais ses conclusions. Selon l'auteur la rumeur publique avait beaucoup amplifié les horreurs qui avaient été perpétrées et son rapport aurait desservit sa propagande.

A noter que suivant les auteurs, le même acte peut s'appeler une révolte ou un coup d'état

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Les anarchistes et le groupe socialiste de Largo Caballero ne supportaient qu'à dures peines ce Gouvernement qu'ils qualifiaient de "bourgeois"



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