...........les Républicains s'aperçurent très vite que les intellectuels et les artistes en tous genres, les professions chargées de l'enseignement, de l'information, tous ceux qui pouvaient avoir un auditoire ou exercer une quelconque influence sur un public, seraient bien plus utiles avec une plume, un pinceau ou toute autre forme d'art, qu'avec un fusil ou une pelle. Ils créèrent ce qu'ils allaient appeler le troisième front. Ce troisième front allait utiliser toutes les créations artistiques et tous les talents, toutes ses influences, pour attirer vers eux la sympathie et l'adhésion de l'opinion publique, non seulement nationale, mais internationale. Dans son récent livre la guerre d'Espagne et ses lendemains, Bartolomé Bennassar en fait une brillante démonstration
..........Les républicains perdront sur le premier front, puisqu'ils perdirent la guerre. Sur le deuxième, c'est à dire le front économique, il y a matière pour des spécialistes. Mais sur le troisième, la victoire sera non seulement nationale, mais mondiale. Elle ira bien au-delà de toute espérance !
.......Au début de ce troisième millénaire,
mais sans aucun doute pour très longtemps, l'opinion générale
(Au moins celle qui n'a pas étudié cette guerre ni ses origines),
n'a retenu que ce que ce troisième front a réussi à imprégner
dans les mentalités. La "mentalizacion" a été une réussite
totale, absolue, universelle !
(Faites du "micro-trottoir" vous verrez que dans la tête du commun des
mortels comme vous et moi il n'est reste qu'une seule idée: Des démocrates
épris de justice et de liberté gagnent les élections de
1936. Les classes dominantes et l'Eglise ne peuvent supporter la perte de leurs
privilèges et le général Franco -seul espagnol, puisqu'on
ne parle que de lui- avec l'aide de ses amis fascistes Hitler et Mussolini se
lance dans une guerre civile , tue un millon de personne et établit une
dictature implacable qui durera 40 ans.) N'est-ce pas cela une belle victoire
?
........Et les générations d'intellectuels et d'artistes qui ont succédé à ce troisième front, se sont engouffrés dans son sillage sans réfléchir, sans chercher à comprendre, sans prendre la peine d'étudier cette guerre, avec un conformisme à toute épreuve et une violence accrue ! Cela, on peut l'appeler du terrorisme intellectuel ou appliquer le mot (très utilisé à la fin de ce millénaire en Espagne) de "mentalizacion"(1)
Et ce terrorisme existe toujours et est
bien actif de nos jours. Les liens vers des sites non "politiquement corrects"
sont systématiquement oubliés ou carrément supprimés.
Les articles non conformes au moule suivent le même chemin. Et cela est
pratiqué par ceux qui se proclament les "champions de la démocratie"
(!!??)
Pourtant! Pourtant on peut se demander si des objectifs de ce troisième
front et des dirigeants républicains en général, ont bien
été atteints par eux - au moins en partie-
et ne l'ont pas été par le capitalisme et ce que certains appellent
la société de consommation.
En voici l'explication:
une autre des idées reçues de l'Espagne de ces années de
guerre est que les républicains (ou progressistes) défendaient
la classe ouvrière et les conservateurs leurs privilèges.
Il est vrai que le langage officiel de la gauche était de condamner les
injustices et la misère ambiante, mais leurs actes confirmaient-ils leurs
paroles? Chaque groupe, anarchiste, communiste, socialiste modéré
ou socialiste dur (et leurs bras représentés par les syndicats),
prétendait défendre à lui seul les aspirations du peuple
et ils étaient en continuelles confrontations. Ce n'est qu'aux élections
–et encore pas toutes- qu'ils unissaient leurs voix derrière un
gouvernement de "révolution bourgeoise" (et duquel ils comptaient
bien se débarrasser à la première occasion) pour battre
la droite.
Leurs objectifs étaient l'abolition de la religion, de la famille, de
l'Etat, de l'Unité Nationale (et, secondairement, du patronat.2
) Leur langage disait que ces institutions étaient des systèmes
bourgeois de domination, d'aliénation et d'exploitation des classes laborieuses
et qu'il fallait absolument se débarrasser de ces tares pour construire
un monde nouveau (imaginé et géré par eux).
Mais les "classes laborieuses" se reconnaissaient elles toutes dans
ce programme? Pas du tout! Pas plus que des millions de "conservateurs"
se reconnaissaient dans l'oligarchie espagnole. Et si la propagande et la "mentalizacion",
avaient une grande emprise sur les ouvriers très noyautés par
les syndicats, ils n'étaient pas encore arrivés à déraciner
entièrement des siècles empreints d'un mélange de christianisme
et de culture arabisante. Des millions de conservateurs eux, ne pensaient pas
défendre le "grand capital"ou la "réaction"
, sinon la religion surtout, mais aussi famille, la propriété
privée, l'Etat de droit et l'Unité Nationale.
Or, que se passe-t-il dans l'Espagne de ce début de siècle?? Visitez les églises et vous verrez. Ce qui n'avait pas été obtenu par la force, la nouvelle gauche l'infiltre peu à peu avec un langage plus modéré, mais aussi plus efficace et avec les même objectifs. Puis le confort, la vie moderne ont achevé leur travail: les églises sont pratiquement vides et se vident de plus en plus. L'Unité Nationale? Volée en éclats! La famille? En complète désagrégation!
Qui est arrivé à ce résultat?
1 Traduction
officielle dans un dictionnaire: préparation psychologique. Ma traduction:
agir sur le mental
2 Ce dernier serait remplacé par une bureaucratie toute puissante qui
gérerait mieux les intérêts des classes laborieuses.